Une part importante de la céramique étudiée provient de sépultures. Des pots enfermaient les restes calcinés du défunt mais la plupart des récipients faisaient partie du mobilier funéraire. Une question peut alors se poser : cette céramique diffère-t-elle de celle des habitats ? Si oui, quels caractères la différencient.
La fourchette chronologique dans laquelle s'insèrent la majorité des sépultures (150-250) nous a incité à négliger la chronologie. Cette céramique funéraire a été comparée à des ensembles d'autres contextes aux datations variées. Deux aspects, indépendants de la morphologie, ont donc été abordés : la composition des ensembles en céramiques classées par catégories (assiettes, jattes, etc...) et les dimensions des récipients.
Cette étude a porté sur 17 ensembles regroupant 1461 vases. Ils comprennent :
L'analyse factorielle des correspondances a donc porté sur un tableau de huit colonnes (catégories) et dix sept lignes (ensembles). Elle a permis d'obtenir le graphique ci-dessous.
La majorité des points lignes et des points colonnes sont disposés le long de l'axe 1. Seuls deux points lignes et un point colonne sont isolés vers le haut du graphe, près de l'axe 2. Les points correspondant aux catégories se répartissent en trois groupes : en bas et à droite assiettes et tripodes, au centre et à gauche bouteilles, jattes, pots et couvercles, en haut pichets et mortiers. L'examen des points lignes (ensembles) montre un groupe comprenant toutes les sépultures et une fosse à droite de l'axe 2 et à proximité de l'axe 1. Les autres puits ou fosses et les habitats se trouvent à gauche de l'axe 2, sauf un point placé à droite mais très près de cet axe. Il est par conséquent évident que le premier facteur oppose la céramique funéraire à celle des puits, fosses ou habitats. Deux points (sépultures de Saint-Méard et d'Aubusson) méritent une attention particulière en raison de leur position limite entre les deux groupes. Alors qu'il est de règle, dans les sépultures à incinération du Limousin que la céramique soit brisée sur le bûcher, ces deux sépultures ont livré un nombre important de céramiques miniaturisées déposées intactes dans la tombe.
Le second facteur isole, vers le haut, les mortiers et les pichets. Ce sont des catégories de récipients peu abondantes, aussi bien dans les habitats que dans les sépultures. Elles figurent toutefois en bonne place dans les ensembles de la Bussière-Etable, Gioux et le puits de la rue Croix-Verte à Limoges. Cet axe pourrait marquer une évolution chronologique : en effet, les points placés au-dessous de l'axe 1 correspondent, pour les habitats et les fosses à des ensembles du Ier siècle (sauf un puits).
Ceux placés au-dessus, toujours pour les mêmes contextes, se rapportent à des ensembles postérieurs au Ier siècle. Au contraire, cela n'est pas valable pour les sépultures qui sont datées entre 150 et 250. Une seconde hypothèse peut être envisagée : Gioux et de la Bussière-Etable sont des sites ruraux alors que les autres sont urbains. Dans cette hypothèse deux puits fouillés à Limoges seraient alors mal placés sur la représentation graphique.
Cette analyse a une conséquence inattendue. Elle montre qu'il est possible d'avancer de nouvelles hypothèses sur l'interprétation de certains puits ou fosses dans trois des exemples étudiés.
Le premier concerne un puits fouillé en 1976 rue du Clos-Adrien à Limoges, en périphérie de la ville antique (LOUSTAUD, 1984 B). Son comblement fut considéré comme rassemblant "les multiples composantes d'un rituel funéraire". La stratigraphie comprenait, depuis le bas, une couche de boue noire incluant des débris végétaux à la surface de laquelle se trouvaient des planchettes (ép. 0.35 m), une couche de boue grise également formée de nombreux débris végétaux, de débris de fruits, de restes de seaux et de céramiques (ép. 0.45 m), une couche cendreuse comprenant également des céramiques (ép. 0.20 m). Au-dessus, sur plus de trois mètres, le comblement se composait de matériaux de construction, en particulier des tuiles, mêlées à de la terre très noire charbonneuse, en particulier vers le bas. La position occupée par ce puits sur le graphe, entre les puits Baudin et les puits Croix-verte, ne permet pas de lui attribuer une fonction funéraire. D'ailleurs, la fouille n'a livré, mêlés aux tuiles, que quelques débris osseux carbonisés dont il n'est pas possible de savoir s'ils sont humains (LOUSTAUD, 1984 B, fig. 25).
Une fosse, ou plutôt une tranchée, fouillée en 1983 à Saint-Gence a livré un abondant matériel céramique mêlé à de la terre charbonneuse qui comblait cette tranchée (Perrier, 1984). Elle mesurait 10 m de long, 0,35 m de large à la base, 1 m au sommet pour une profondeur maximum de 1.10 m. Au point le plus profond, onze pierres rubéfiées auraient constitué un foyer. Dans la masse du remplissage se trouvaient 40 grammes d'ossements calcinés dont une phalange humaine. L'ensemble du mobilier, homogène, date de l'époque augustéenne. Là encore, la position du point, à proximité de celui de l'ensemble Baudin/Révolution daté de la fin du règne de Tibère ou du règne de Claude, permet d'émettre des doutes sur la destination funéraire de cette tranchée.
Enfin un exemple inverse : un fosse rectangulaire découverte en 1972 près d'Eyrein, à soixante mètres d'un habitat, renfermait un abondant matériel céramique (Antignac, 1977). La fosse rectangulaire, entièrement bouleversée par les travaux de défrichage du terrain, mesurait 2,45 m de long, 1,90 m de large et 0,28 m de profondeur moyenne conservée. Le comblement a, semble-t-il, eu lieu en une seule fois et "les tessons présentent le même aspect que ceux trouvés autour d'une sépulture à incinération". L'absence de cendres et d'ossements humains, la proximité de l'habitat suggéré par la présence de tuiles ont incité les auteurs à délaisser l'hypothèse d'une sépulture. Pour eux, cette fosse était par conséquent un dépotoir dans lequel on aurait déversé la vaisselle de l'habitat voisin détruit par un incendie. Le point relatif à cette découverte se trouve de toute évidence dans le groupe des sépultures, remettant en cause la fonction de dépotoir. Pourquoi d'ailleurs aurait-on trié la vaisselle dans l'habitat incendié pour l'enfouir 60 m plus loin dans une fosse rectangulaire aux contours réguliers ? Certes, une telle structure funéraire demeure exceptionnelle. Il est toutefois possible de citer, à Giat (Puy-de-Dôme) une sépulture constituée par une fosse encore plus vaste (3,20 m sur 3 m). Le fond de la fosse renfermait également un abondant mobilier daté de la fin du IIe siècle (Charbonneau, 1944).
L'analyse factorielle montre qu'il existe d'importantes différences dans la composition du mobilier céramique retrouvé dans les habitats et celui placé en offrande dans les sépultures. Ces dernières renferment des assiettes et des vases tripodes en grand nombre. Inversement, la céramique recueillie dans les habitats ou dans les dépotoirs, comprend davantage de pots et de couvercles et beaucoup moins d'assiettes et de vases tripodes. A l'intérieur même de la céramique d'habitat existent des différences impossibles à expliquer dans l'immédiat, faute d'ensembles fouillés en nombre suffisant.
Deux analyses factorielles ont porté sur les dimensions des céramiques (Fig. 146) : la première sur les plus grands diamètres des récipients ouverts (assiettes, jattes, tripodes), la seconde sur la hauteur des pots. Le tableau de contingence comprend trois colonnes (contextes) et 10 lignes (dimensions, éventuellement regroupées pour obtenir des classes homogènes).
Le premier facteur oppose nettement habitats et sépultures. Entre les deux, vers le haut de l'axe 2, se place le point correspondant aux puits et aux fosses. L'examen des dimensions montre sans ambiguïté que les diamètres les plus faibles se trouvent à gauche, associés aux sépultures alors que les plus forts se placent vers la droite en liaison avec les habitats. Entre les deux, la classe 18-19 cm semble liée aux puits et aux fosses et la classe 16-17 cm, tout en étant un peu plus proche des sépultures, se retrouve dans tous les contextes. Les diamètres 8 à 15 cm caractérisent assez bien la céramique placée en offrande dans les tombes. Toutefois les grands diamètres n'en sont pas absents. La position du point "puits-fosses" est intéressant dans la mesure ou elle traduit un mélange. Comme cela a été dit précédemment cette notion de puits ou de fosses ne concerne pas seulement des dépotoirs. Il s'y trouve également des sépultures qui n'ont pas toujours été reconnues en tant que telles.
L'interprétation du graphique est ici beaucoup plus complexe. Tout d'abord le point "sépulture" s'oppose, sur l'axe 1 aux deux autres contextes. Les points "habitat" et "puits-fosses", très proches sur l'axe 1, sont par contre éloignés sur l'axe 2. Il est certain que le premier facteur isole très fortement les pots découverts dans des sépultures (le pourcentage du lien dû à l'axe 1 est en effet de 89.3%).
L'examen des points "dimensions" ne montre ici aucune organisation, du moins en apparence. A gauche, par conséquent en étroite liaison avec les sépultures, se placent les pots de grandes dimensions (entre 20 et 31 cm de haut). A droite, la classe 10-11 cm se trouve associée aux habitats et les classes incluant des pots de 12 à 17 cm de haut, proches des puits ou fosses, ne sont exclus ni des habitats, ni des sépultures. La classe immédiatement supérieure (18-19 cm), placée au centre du graphique, se rencontre par conséquent dans tous les contextes.
Avant d'interpréter ce graphique, il nous faut préciser que la hauteur d'un pot peut seulement se mesurer sur un vase au moins reconstitué graphiquement. Or cette reconstitution se fait beaucoup plus facilement pour des céramiques provenant d'ensembles clos tels les puits, les fosses ou les sépultures que pour celles mises au jour dans des habitats. En outre, chacun connaît la difficulté à remonter un vase de grande taille par rapport à un autre plus petit.
Les grands pots découverts dans les sépultures correspondent aux nombreuses urnes cinéraires retrouvées, le plus souvent intactes, dans les coffres cinéraires en pierre. Les tous petits, plus fréquents dans les sépultures existent également, bien que moins nombreux, dans les puits, les fosses et même les habitats. Les pots découverts dans les habitats mesurent plus de 10 cm de haut. Seuls ceux appartenant à la classe 10-11 cm se placent près du point "habitat" mais uniquement parce qu'ils sont plus faciles à reconstituer. En fait les vases mis au jour dans les puits appartiennent à de la céramique d'habitat. Il en est vraisemblablement de même de beaucoup d'urnes cinéraires comme le suggèrent les traces d'utilisation observées sur certaines ou encore le fort diamètre de certains cols découverts en fouille d'habitat.
En fait, une bonne part de la différence observée ici entre les pots mis au jour dans les sépultures et ceux provenant d'habitats tient à des lacunes de l'information : Le fouilleur néglige les tessons appartenant à des récipients de grandes dimensions mis au jour en fouille d'habitat car trop difficiles à rassembler et à remonter. Le problème des grands pots étant résolu, il faut constater que les plus petits se retrouvent de préférence dans les sépultures.
Ainsi, deux méthodes simples mettent en évidence certaines différences qui existent entre la céramique d'habitat et la céramique funéraire. La première, à partir de la composition des ensembles, montre que les mêmes ctégories de vases ne se trouvent pas dans les mêmes proportions suivant le contexte. Les assiettes et les tripodes, plus fréquents dans les sépultures, restent rares dans la céramique d'habitat caractérisée par une forte proportion de pots et de couvercles. En second lieu, l'étude des dimensions permet de constater que la céramique placée en offrande dans les sépultures possède des dimensions inférieures à celle des céramiques mises au jour dans les dépotoirs ou les habitats.