La production de la céramique commune n'est pas soumise, du moins dans sa majorité, aux mêmes règles de
normalisation que la céramique sigillée. Certes, les productions respectent généralement certains modèles
mais elles subissent des variations parfois importantes dues autant à la fantaisie de l'artisan qu'à des modes régionales.
Il est possible, un peu comme l'a fait J.-J. HATT (1949) de ranger les céramiques dans des tranches
chronologiques. Les problèmes qui apparaissent alors ne peuvent se résoudre sans une grande part d'interprétation.
Sur quels critères, en effet, peut-on définir les bornes chronologiques et surtout faire correspondre
la chronologie d'un ensemble avec ces limites? En outre, une telle classification devrait obligatoirement
passer par une étude typologique préalable.
Les noms antiques des récipients répondent parfois à un usage très précis mais ils correspondent aussi à
des formes typologiquement différentes. Vouloir classer les céramiques selon ces appellations laisse une
trop grande part à l'interprétation et ne permet pas d'obtenir un résultat cohérent.
L'attribution d'un nom moderne à une poterie, par exemple sous la rubrique "nomenclature",
doit garder un caractère documentaire, même lorsque cette définition correspond, de nos jours,
à une fonction bien précises. Ce terme, plus évocateur qu'une dénomination abstraite, permet de se
représenter immédiatement une image. Cet usage doit cependant exclure toute part d'interprétation.
Ce système de classification, souvent utilisé, présente deux aspects principaux.
Groupes techno-typologiques.
Un exemple d'un tel groupe est donnée par la céramique sigillée dont la fabrication répond à des normes
de fabrication maintenant bien connues. Toutefois des difficultés apparaissent rapidement lorsque ce système
de classement doit s'appliquer à des productions tardives ou à des "imitations". A l'exception de quelques
cas de productions caractéristiques bien définies, ce système de classification pose davantage de problèmes qu'il n'en résoud.
La classification par groupes techno-typologiques ne nous a pas semblé bénéfique. Cette méthode supposait de
s'enfoncer dans une jungle de définitions correspondant à des réalités qu'il ne nous était matériellement impossible de vérifier.
Système regroupant des céramiques selon leur caractéristiques techniques.
Ce système, proche du précédent, ne fait toutefois pas référence à des groupes pré-existants.
Les caractéristiques technologiques de chaque céramique sont soumises à une méthode d'analyse des données.
Les essais que nous avons effectués ne se sont toutefois pas montrés très probants, cela pour diverses raisons.
La principale s'explique peut-être par notre approche de la description technique. Pour aboutir à des
résultats concluants, cette méthode nécessiterait en effet une étude beaucoup plus fine des argiles
pouvant aller jusqu'à l'analyse physico-chimique des pâtes. Elle devrait en outre s'appliquer à un échantillon plus homogène que le nôtre.
Classification morphologique.
La description morphologique offre un nombre important de caractères parmi lesquels il convient de sélectionner
les plus pertinents.
Classification sur caractères descriptifs et analyse disjonctive.
Le principal avantage de l'analyse disjonctive réside dans la facilité de sa mise en oeuvre.
Il suffit en effet de construire une arborescence de type "graphe ouvert" à partir d'un choix de caractères,
quelle qu'en soit la nature. Cette méthode a récemment été appliquée à l'étude
de la céramique campanienne. Nous souhaitions l'utiliser à partir d'un modèle descriptif
mais très vite, des diffilcultés sont apparues.
En premier lieu, du fait de l'obligation de traiter les caractères les uns après les autres,
certains vases dont un seul détail varie se retrouvent dans des classes différentes.
Ainsi deux récipients pourvus de la même base et la même encolure peuvent se situer
à deux points extrèmes de l'arbre parce qu'ils possédent l'un une panse plutôt ovoide et l'autre plutôt sphérique.
En second lieu, s'ajoute la difficulté de fixer les limites précises séparant les diverses modalités d'un même caractère.
Ce point est encore plus important que le précédent car des éléments semblables peuvent être décrits de deux
façons parce qu'ils se situent l'un et l'autre en limite de deux caractères et, par conséquent,
se retrouvent dans des classes différentes.
Une classification fondée uniquement sur des caractères morphologiques descriptifs ne peut,
par conséquent, donner entière satisfaction.
La méthode d'analyse disjonctive fournit toutefois des résultats acceptables lorsque sont utilisés
simultanément des caractères morphologiques et des proportions choisies parmi celles qui
définissent le mieux certains volumes et dont l'histogramme permet de distinguer plusieures populations.
Classification hiérarchique sur caractères descriptifs.
La saisie de la fiche descriptive génère un tableau simple dans lequel chaque variable prend une valeur
(modalité) qui répond à une caractéristique de l'individu. Les valeurs se rapportent à un code et sont discontinues.
Un essai de classification hiérarchique effectué sur un échantillon de céramiques à partir de la distance de Jaccard
ne s'est pas montré parfaitement concluant. Cette méthode permet toutefois de prendre en compte des caractères
technologiques non mesurables ce qui, dans certains cas, peut présenter un avantage.
Classification hiérarchique sur les dimensions.
L'exemple de l'arbre hierarchique des pichets.
Des essais réalisés à l'aide d'une méthode simple, pouvant être mise en oeuvre avec une calculatrice,
se sont montrés peu performants. Restaient alors à tester les méthodes de
classifications hiérarchiques.
Les mesures.
Des essais successifs nous ont guidé dans les différents choix qui se sont présentés. Le premier d'entre eux
concernait la nature des mensurations à faire sur les vases. Afin d'éviter au maximum l'arbitraire, les mesures
retenues sont celles qui permettent de définir les proportions des principaux éléments morphologiques d'un vase :
hauteurs et diamètres. Le nombre des dimensions ainsi obtenues atteint 32 pour les catégories les plus
complexes munies d'une anse et d'un déversoir.
le tri préalable en catégories suivant les proportions globales, les proportions de l'ouverture et la présence
ou l'absence d'aménagements particuliers permet cependant d'obtenir des tableaux de données plus modestes et
plus homogènes en supprimant les caractères inexistants. C'est ainsi que le nombre de mesures n'est que de
21 pour les pots ou de 11 pour les catégories les plus simples, assiettes ou couvercles.
La principale difficulté rencontrée dans la mesure des céramiques tient à la nécessité de bien définir
les limites de chaque partie du vase.
La hiérarchie.
Le fait de traiter les mesures réelles de vases impose le choix de la
distance du khi2
qui supprime "l'effet de taille". En effet, la classification souhaitée doit s'établir uniquement
sur les ressemblances morphologiques entre les vases sans que la différence de taille soit prise
en compte comme ce serait le cas par exemple en utilisant la distance euclidienne.
Parmi les trois principales méthodes d'agrégation, celle du lien moyen s'est montrée la meilleure.
La classification.
Il faut ensuite choisir le nombre de classes ou de groupes que l'on souhaite obtenir.
Ce choix peut être guidé par un nombre de classes imposé ou souhaité mais il est préférable
d'examiner le dessin de l'arbre et l'homogénéité de chaque groupe. La coupure doit s'effectuer
à un endroit où la succession des niveaux d'agrégation présente un saut important.
Le système le plus simple consiste à affecter un numéro d'ordre à chaque classe obtenue
à partir d'une seule troncature. Il permet d'obtenir une typologie fermée dans laquelle
il est impossible d'insérer des formes nouvelles.
Afin de tirer le meilleur parti de l'arborescence, les catégories créées suivant les normes
énoncées pour l'établissement de la nomenclature sont subdivisées en familles, genres, séries,
types et variantes en respectant la hiérarchie obtenue par la classification automatique.