Dès le début de notre travail, d'importantes différences morphologiques apparaissaient, d'une région à l'autre, dans les vases d'une même catégorie. Il convenait par conséquent d'étudier ce phénomène, d'une part pour voir s'il était significatif et d'autre part pour déterminer les caractères technologiques ou morphologiques à l'origine de ces différences. Ceci, bien entendu, pour chacune des catégories numériquement bien représentées.
Pour cela, l'étude a été réalisée en deux étapes. La première vise à rechercher les formes caractéristiques d'un lieu. La méthode utilisée pour mettre en évidence d'éventuelles disparités repose sur l'analyse factorielle des correspondances d'un tableau de contingence mettant en relation des "formes" et leur lieu de découverte.
Le graphe qui en résulte permet en effet de présenter une cartographie des "formes", apportant ainsi une distinction entre celles qui sont caractéristiques d'un lieu et celles que l'on trouve dans tout le Limousin avec simplement de faibles variations de fréquence.
Bien entendu, les "formes" sont celles que nous avons définies dans la classification. Leur sélection s'est faite en fonction du nombre de céramiques susceptibles de les représenter. Le seuil ne devait pas être inférieur à trois de façon à obtenir une distribution théorique minimale d'un exemplaire par département. La "forme" correspond au type lorsque la condition qui précède est satisfaite. Dans le cas contraire, des regroupements de types d'une même série ont été opérés. Ces regroupements peuvent aller jusqu'à la série complète qui rassemble des céramiques possédant encore de nombreux points communs.
La définition des espaces posait un problème. A l'exception de Limoges, aucun site n'offrait en effet un nombre suffisant de céramiques pour que des méthodes statistiques puissent valablement s'appliquer à l'étude du phénomène. Après quelques essais, le choix du département s'est montré assez judicieux. En effet, le nombre de céramiques étudiées se répartit assez équitablement entre les trois départements du Limousin. A priori, cette limite administrative moderne pouvait paraître arbitraire. En fait, chacun des trois départements correspond à une unité géographique délimitée par la Montagne Limousine et correspondant à des bassins hydrographiques : au sud, la Corrèze est tournée vers le bassin de la Dordogne ; au nord, la Creuse s'ouvre vers le Berry et le Bourbonnais (bassin de la Creuse); à l'ouest, la Haute-Vienne fait face au Poitou (bassin de la Vienne).
La seconde étape a consisté à rechercher plus précisément les caractères morphologiques et technologiques représentatifs de la céramique d'un département. La méthode utilisée reste l'analyse factorielle des correspondances calculée sur un tableau de contingence dressé à partir des fiches descriptives. Cette approche devrait permettre de compléter l'étape précédente où seule la classification, donc les dimensions des céramiques, étaient prises en considération.
Dans les deux cas la chronologie pose un problème. En effet, les céramiques de toutes les périodes sont prises en considération et l'on sait que le IIe siècle et la première moitié du IIIe sont plus fortement représentés en Creuse et en Corrèze, à l'inverse des périodes antérieures ou postérieures qui ne sont guère connues qu'à Limoges. Cet état de fait ne doit pas être perdu de vue afin de différencier les caractères spécifiques d'un département de ceux qui sont liés à la chronologie.
La figure ci-dessus montre les liaisons entre les formes et les départements. L'absence de regroupements signifie que la plupart des types se retrouvent sur de vastes zones et que quelques-uns uns seulement présentent une répartition relativement restreinte. Le calcul du X2 montre que la répartition des types observée entre les trois départements est significative au seuil de p=0.99.
L'analyse factorielle oppose, sur l'axe 1, la Haute-Vienne aux deux autres départements et plus particulièrement à la Creuse. L'axe 2 oppose Creuse et Corrèze.
Les assiettes du genre A 130 définies par l'absence de bord et la présence d'une base autre que portante se retrouvent spécialement en Haute-Vienne. Les assiettes simples avec panse haute et base étroite (série A 111), plus fréquentes en Corrèze, s'opposent à celles des séries A 112 c et d, plus communes en Creuse qui se distinguent par une base large, une panse peu élevée et des parois à courbure moins prononcée, voir rectilignes. Plusieurs types sont communs à deux, voir aux trois départements (A 112 a).
Les assiettes des autres familles ou types, trop peu représentés pour être pris en compte dans les calculs, caractérisent davantage une époque qu'une région. La série A 212, seule représentée, regroupe surtout des assiettes du Ier siècle mises au jour à Limoges ou à Brive.
Comme précédemment, l'analyse factorielle oppose, sur l'axe 1 la Haute-Vienne à la Corrèze et à la Creuse. Les modalités se répartissent selon un triangle dont chaque sommet représente un département. Le calcul du X2 montre que les différences sont beaucoup plus significatives que pour la répartition des types. Il est vrai que l'analyse inclut ici davantage de modalités liées à la chronologie.
A l'axe 1, se rapportent des modalités liées à la qualité du produit, que ce soit sur le plan morphologique (base aménagée opposée à la base portante) ou sur le plan technologique (décor guilloché opposé à l'absence de décor ou au simple décor poli ou encore du traitement de la surface).
L'axe 2 semble déterminé par l'assise, plane en Corrèze, concave en Creuse, et par la forme des parois, plutôt courbes en Corrèze et rectilignes en Creuse.
La forme des parois définit en partie la morphologie des assiettes simples. Les parois rectilignes, associées à une base large, caractérisent les assiettes de la Creuse. Elles ne sont pas absentes des autres départements, surtout au Ier siècle, mais les assiettes aux parois courbes y sont majoritaires, en particulier au IIe et IIIe siècle.
Les assiettes possèdent une base portante, sauf en Haute-Vienne ou les bases annulaires sont fréquentes. Les autres types de base, plus rares, sont pratiquement inconnus en Creuse. Les trois principales formes de l'assise se répartissent assez bien entre les trois départements : assise plane en Corrèze, concave en Creuse et tournée en Haute-Vienne.
Les couleurs varient également de façon très significative, non pas en opposant les cuissons de type A aux cuissons de type B mais à l'intérieur de chaque mode de cuisson. Ainsi les cuissons de type A donnent des teintes jaunes en Haute-Vienne, orangées en Creuse et en Corrèze. Les cuissons de type B donnent des couleurs noires en Haute-Vienne et grises en Corrèze, les deux teintes étant équitablement réparties en Creuse.
A la surface brute, commune en Creuse et en Corrèze, s'oppose la surface polie ou la couverte rouge en Haute-Vienne. La surface polie, il est vrai, caractérise certaines assiettes du Ier siècle plus fréquentes dans ce département.
Le décor, assez rare sur les récipients de cette catégorie, se limite à des couronnes guillochées sur les assiettes de la Haute-Vienne et à quelques décors polis en Corrèze et en Creuse où l'absence de toute ornementation prédomine.
En fait, la Haute-Vienne se distingue essentiellement par ses assiettes à couverte rouge interne et assise tournée, généralement munie d'un pied en couronne bas et d'anneaux porteurs. Ces assiettes apparaissent après le milieu du IIe siècle. La surface polie et la couverte noire, caractères également fréquents dans ce département, concernent plus particulièrement les assiettes du Ier siècle connues à Limoges.
La Corrèze et la Creuse, rapprochées par certains traits technologiques (absence de décor ou décor poli, base portante, couleur orange) sont individualisées par des caractères morphologiques. En Corrèze, les parois courbes sont relativement hautes, surtout par rapport à la base plus étroite. En Creuse, les parois rectilignes, souvent associées à une assise concave, appartiennent à des productions peu soignées.
Contrairement aux assiettes, les récipients de cette catégorie, sont plus rares au IIe siècle qu'aux périodes antérieures ou postérieures. De ce fait, ils dominent en Haute-Vienne, en particulier à Limoges où le nombre des céramiques du Ier et de la fin du IIIe siècle excèdent celui des autres périodes. Il faut, par conséquent, pour interpréter l'analyse factorielle, identifier les caractères liés à l'évolution chronologique et ceux qui marquent une différenciation régionale.
Dans l'ensemble, le calcul du X2 montre que la différence de répartition observée entre les trois départements est très significative. L'analyse factorielle oppose, sur l'axe 1, la Corrèze à la Creuse et à la Haute-Vienne. La répartition des formes permet de soupçonner des relations entre Creuse et Haute-Vienne, entre Corrèze et Haute-Vienne mais pas entre Corrèze et Creuse. Les jattes de ces deux derniers départements appartiennent pourtant aux mêmes périodes.
Tout d'abord, certaines formes n'apparaissent que dans un seul département ou du moins y sont plus largement représentées. A cet égard le genre B 110, présent dans chacun des trois départements, semble significatif. Il s'agit, rappelons le, de jattes qui possèdent un haut de panse, c'est à dire une panse légèrement fermée. En Corrèze ce genre n'est représenté que par la série B 111 (base portante et ouverture étroite) dont on ne connaît aucun exemplaire dans les autres départements. La série B 115, présente partout mais beaucoup plus fréquente en Creuse, se rencontre dans les mêmes contextes que la série B 111. Elle en diffère par une encolure plus ouverte et la présence d'une base autre que portante. La série B 113 se partage entre la Haute-Vienne et la Creuse. A noter toutefois que les exemplaires qui la constituent furent mis au jour à quelques kilomètres de distance, à la limite des deux départements. La série B 114 rassemble des types variés issus des trois départements avec une dominante de la Haute-Vienne en raison de vases de la fin du Ier siècle découverts à Limoges.
D'autres formes peuvent aussi posséder des caractères liés à leur origine géographique comme par exemple les petits bols de la série B 411 qui paraissent plus bas en Corrèze (B 411 a et c) qu'en Haute-Vienne (B 411 b). Cependant, comme pour la série B 122, les exemples ne sont pas assez nombreux pour être significatifs.
Les séries B 121 et B 123, pour l'essentiel, appartiennent à des contextes précoces et se répartissent entre la Corrèze et la Haute-Vienne. Toutefois, en l'absence de découvertes du Ier siècle en Creuse, il n'est pas possible d'expliquer cette disparité. Il en est de même des formes tardives (B 122 e, B 124 a et b, B 311) dont la présence privilégiée en Haute-Vienne s'explique avant tout par le nombre de découvertes, postérieures au milieu du IIIe siècle, qui ont eu lieu dans ce département.
En conclusion, les nombreuses trouvailles de jattes précoces et tardives à Limoges expliquent en partie les différences morphologiques observées sur les vases de cette catégorie entre les trois départements du Limousin. Toutefois, et bien qu'il s'agisse souvent de formes rencontrées hors Limousin, la datation ne justifie pas la répartition des vases du Genre B 110.
L'analyse factorielle effectuée à partir des caractères descriptifs oppose, sur l'axe 1, la Haute-Vienne à la Corrèze et à la Creuse. Les caractères se répartissent de façon anarchique avec seulement un groupe de points placés au centre. Le calcul du X2 montre qu'une partie seulement des modalités se répartit entre les départements avec une différence très significative. En particulier, ce n'est pas le cas pour la forme de la base et pour les décors.
L'interprétation du graphe pose quelques problèmes. La forme du bord semble déterminer l'axe 1. En Haute-Vienne, les parois se terminent sans bord, avec un bord aminci ou un bord simplement défini par un brusque changement de direction de la paroi (bord horizontal externe). Dans tous les cas, l'épaisseur n'est pas modifiée. A l'opposé se situent les points qui correspondent à un bord formé par un épaississement de la paroi, un bord rentrant ou évasé. L'axe 2 parait, quant à lui, lié à la forme de la panse et de la base : panse ovoïde avec une base étirée et élargie en Creuse, la Corrèze incluant de préférence des bases portantes ou élargies.
Seules les panses ovoïdes caractérisant des jattes carénées se retrouvent plus fréquemment en Creuse. Les autres formes, essentiellement des panses hémisphériques ou décrites comme formes composées se répartissent à peu près normalement entre les départements.
Les jattes mises au jour en Corrèze et surtout en Creuse possèdent généralement un bord. Que la paroi garde la même épaisseur ou qu'elle soit amincie, celui-ci manque souvent en Haute-Vienne. Trois types de bords se retrouvent dans chacun des départements (horizontal externe, roulé ou rentrant). Un autre se partage entre Creuse et Haute-Vienne (évasé). Deux autres sont davantage liés à un département : le bord épaissi à l'extérieur en Creuse et le bord triangulaire en Haute-Vienne.
A l'exception des bases cylindriques et étirées puis élargies dont le nombre se partage entre la Creuse et la Haute-Vienne, toutes les autres formes rencontrées se répartissent plus ou moins équitablement entre les trois départements. A noter simplement une opposition entre la base étirée, plus fréquente en Creuse et la base portante qui se rencontre surtout en Corrèze et en Haute-Vienne. La fréquence élevée de bases annulaires dans ce dernier département s’explique en partie par le plus grand nombre de céramiques précoces ou tardives dans ce département.
Le lissage de la surface, fréquent en Creuse, s'oppose à la surface brute qui domine dans les deux autres départements. D'autres modes de traitement de la surface, fréquents en Haute-Vienne, caractérisent des céramiques précoces (couverte micacée) ou tardives (surface peignée, présence d'une couverte).
Les décors, peu nombreux, sont pratiquement absents de Creuse. Le calcul du X2 montre que leur répartition ne permet aucune conclusion.
Les différences de répartition des modalités des caractères morphologiques et technologiques des jattes tiennent surtout à la variété des datations des exemplaires de la Haute-Vienne. A noter toutefois, au IIe et au début IIIe siècle, une opposition entre la Creuse et les deux autres départements. Elle porte sur la forme de la panse (ovoïde en Creuse, sphérique ailleurs) et la forme de la base (étirée en Creuse, portante ailleurs). Ceci confirme les observations faites, à partir de la répartition des formes, sur les céramiques du genre B 110.
L'analyse factorielle des correspondances effectuée sur la répartition des formes entre les trois départements montre une opposition entre la Creuse et les deux autres départements (fig. 131). Les formes se répartissent en trois masses, plus ou moins groupées autour des points représentant les départements. La Corrèze constitue un ensemble homogène alors que les masses de Creuse et de Haute-Vienne s'étirent légèrement vers le centre du graphe où se placent les formes communes aux trois départements. Le calcul du X2 montre d'ailleurs que la différence observée entre les trois départements est très significative. En effet, pour p=0.005 et 42 degrés de liberté la table donne 69,3 alors que le X2 calculé atteint 150,98.
Les problèmes posés par la chronologie existent encore ici, mais dans des proportions plus faibles que pour les jattes. C'est toujours en Haute-Vienne qu'apparaissent les formes précoces ou tardives. Certaines qui regroupent les parois fines de la seconde moitié du Ier et de la première moitié du IIe siècle sont communes à tous les contextes, quel que soit le département (D 111 f, D 113, D 223 d). D'autres, tardives, paraissent plus spécifiques à la Haute-Vienne. Ce sont, en particulier, les pots à décors gravés ou guillochés du IIIe siècle. La datation n'explique peut-être pas, à elle seule, une répartition aussi localisée en Haute-Vienne.
Seul le type D 221 c semble spécifique à la Creuse. Un groupe important, comprenant entre autre des pieds hauts et étroits, des encolures hautes et fermées, incluent quelques individus de Haute-Vienne. Deux formes, à panse ovoïde et encolure verticale ou légèrement rentrante, sont attirées vers la Corrèze. Ce dernier département comprend des formes bien individualisées, ovoïdes à point de tangence haut, panse elliptique allongée ou aplatie. Les formes simples, panse globulaire, base portante et encolure évasée sans bord, semblent communes aux trois départements.
L'analyse factorielle des correspondances oppose ici, sur l'axe 1, la Haute-Vienne aux deux autres départements. Chacun d'eux se situe au sommet d'un triangle dont le côté reliant la Creuse et la Corrèze est parallèle à l'axe 2. Le calcul du X2 montre, comme c'était le cas pour la répartition des formes, que les caractères morphologiques et technologiques varient d'un département à l'autre de façon très significative. Pour p=0,005 et 106 degrés de liberté, la valeur limite se situe à 147 alors que celle du X2 atteint 292.
La direction de l'encolure est le seul caractère morphologique lié à l'axe 1 qui est également déterminé par des caractères technologiques tels que le décor et, dans une moindre mesure, le traitement de la surface. L'axe 1 correspond donc en partie à la qualité du produit, les céramiques soignées se trouvant à gauche du graphique, liées par conséquent à la Haute-Vienne.
Ce sont par contre des caractères morphologiques qui déterminent l'axe 2 : base, panse et bord.
L'ensemble des formes de la panse se répartit en deux groupes par rapport à l'axe 1. On notera une fréquence plus élevée de panses ovoïdes en Corrèze, et de panses sphériques en Creuse. L'ensemble des formes se répartit normalement en Haute-Vienne.
La direction de l'encolure, liée à l'axe 1, oppose Corrèze et Creuse à la Haute-Vienne où les encolures horizontales externes et évasées dominent. Les encolures verticales semblent communes aux trois départements alors que l'encolure rentrante serait plus spécifique de la Creuse et de la Corrèze. L'encolure horizontale externe, dont le poids influe fortement, caractérise les pots de la Haute-Vienne à décor guilloché qui se développent dans le courant du IIIe siècle. Il s'agit par conséquent d'un caractère évolutif mais il est impossible de préciser s'il est également spécifique à la Haute-Vienne.
Les bords roulés ou épaissis à l'extérieur sont communs aux trois départements. Les bords triangulaires et horizontaux externes caractérisent la Corrèze, les bords évasés dominent en Creuse. Des pots, nombreux en Haute-Vienne, moins fréquents en Creuse et plus rares en Corrèze ne possèdent pas de bord.
Les bases étirées ou élargies et, dans une moindre mesure les bases portantes, se rencontrent dans les trois départements. Seul le pied en couronne bas apparait plus fréquemment en Haute-Vienne. Les autres types de bases existent dans deux départements : base annulaire en Haute-Vienne et Corrèze, base étirée puis élargie en Haute-Vienne et Creuse avec une proportion plus forte dans ce dernier département.
La couleur gris-bleu se répartit de façon homogène. Parmi les teintes foncées qui dénotent des cuissons de type B, le noir domine légèrement en Haute-Vienne par rapport au gris que l'on trouve ailleurs. La distribution des teintes claires diffère de façon plus significative : moins nombreuses en Creuse où elles tendent vers le blanc, elles restent claires en Corrèze (jaune et orangé) et se foncent en Haute-Vienne (brique).
Le traitement de la surface, lié à l'axe 1, isole les surfaces avec couverte, donc soignées. Fréquentes en Haute-Vienne, elles s'opposent aux surfaces brutes ou lissées, plus commune dans les deux autres départements.
Les pots ornés se partagent équitablement entre les trois départements mais les techniques de décor varient considérablement. Comme pour le traitement de la surface, les décors soignés (gravure, guillochis, barbotine), fréquents en Haute-Vienne, s'opposent au décors plus sobres (baguette, sillon, polissage) que l'on trouve en Corrèze et surtout en Creuse.
Ce sont donc les modalités des céramiques tardives et, dans une moindre mesure, précoces qui opposent la Haute-Vienne aux deux autres départements. Des détails morphologiques importants distinguent cependant les pots de Corrèze et de Creuse (forme de la panse, du bord ou de la base). Toutefois, les détails technologiques ont ici moins d'importance malgré quelques petites différences qui portent sur le mode de cuisson ou la nature des décors.
Cette catégorie comporte assez peu d'individus et, malgré cela, elle inclut un nombre élevé de types. Par conséquent, les regroupements de types pour constituer des formes, tout en respectant les règles énoncées plus haut, restent peu nombreux.
L'analyse factorielle des correspondances oppose nettement la Creuse, largement représentée par des pichets du genre E 120, aux autres départements. A noter que les séries E 123 et E 124, non prises en compte dans l'analyse, renferment quatre exemplaires de Creuse et un seul de Haute-Vienne. Le genre E 120 est défini par l'anse attachée sur le haut du col, au-dessous du bord éventuel.
Les séries E 111, E 112, E 114 et E 130 se rencontrent en Haute-Vienne et, dans une moindre mesure, en Corrèze. Cette catégorie est en effet très peu représentée dans ce département où moins de dix exemplaires sont connus.
Le graphe issu de l'analyse factorielle des correspondances sur le tableau des caractères descriptifs coïncide assez bien avec le précédent. En effet, la Corrèze, en raison du faible effectif de pichets mis au jour dans ce département, se trouve isolée en haut du graphe. Les caractères se répartissent en trois groupes : Un groupe spécifique de la Creuse avec une légère attraction de la Haute-Vienne, un autre spécifique de la Haute-Vienne avec quelques points attirés vers la Creuse et enfin un groupe commun à la Haute-Vienne et à la Corrèze.
Sur l'axe 1, la forme de la panse constitue le caractère dominant alors que la forme de la base semble déterminer l'axe 2. Les panses ovoïdes, elliptiques aplaties et les formes composées de la Creuse s'opposent aux panses sphériques et aux panses elliptiques allongées, ces dernières étant plus représentatives de la Haute-Vienne.
La forme du bord se répartit mieux entre les trois départements : bord roulé ou épaissi à l'extérieur en Creuse, bord évasé en Corrèze et bord horizontal externe ou absent en Haute-Vienne.
Les points relatifs aux différentes modalités de la base sont dispersés. La base élargie et la base annulaire existent en Corrèze. La première se rencontre également en Creuse et coexiste avec des bases étirées ou élargies et étirées. La seconde s'associe, en Haute-Vienne, à des bases portantes ou cylindriques.
A la surface engobée ou brute en Creuse, s'oppose la surface lissée ou revêtue de mica en Haute-Vienne. En Corrèze, les types de traitement de la surface varient trop pour qu'une tendance puisse se dégager.
Les modes de décors se partagent en deux groupes. L'un incluant les baguettes et le décor poli se place dans l'ensemble creusois et s'oppose aux sillons et aux pichets non décorés que l'on trouve en Haute-Vienne et en Corrèze.
Bien que la Haute-Vienne possède quelques pichets tardifs, la Creuse se singularise par la présence de nombreux exemplaires de pichets originaux par rapport à ceux des autres départements. Ils présentent un ensemble de caractères qui se retrouvent sur les vases du genre 120. A l'opposé, les autres caractères se répartissent entre la Corrèze et la Haute-Vienne. Contrairement à ce qui s'était passé pour les jattes ou pour les pots, la chronologie a ici peu d'importance. A noter également que les caractères morphologiques dominent ici les caractères technologiques. Il y a donc parfaite adéquation entre la typologie et l'étude des caractères descriptifs.
Le nombre de bouteilles, encore inférieur a celui des pichets, explique le nombre limité de formes prises en compte pour l'analyse factorielle des correspondances. En outre, pour la première fois, le test du X2 montre que les différences observées dans la répartition des formes entre les trois départements ne sont pas significatives. Inversement, la valeur du X2 est trop forte pour qu'une répartition homogène puisse s'envisager (Valeur du X2 = 6,18, ce qui, pour 10 degrés de liberté donne une probabilité qui se place dans le milieu de la table).
L'analyse factorielle montre cependant une opposition entre la Creuse d'une part, la Corrèze et la Haute-Vienne d'autre part. Trois séries (F 111, F 121 et F 122) se répartissent d'ailleurs entre ces deux départements avec une attraction sensible de la Corrèze. La Série F 123 se divise entre la Creuse et la Haute-Vienne. Deux formes seulement se rencontrent un peu plus souvent dans un département. En Creuse, la série F 511 se distingue par une base étirée et une panse elliptique aplatie. En Haute-Vienne, le haut de panse peu fermé avec un col élevé détermine le genre F 150.
Comme précédemment, l'analyse factorielle des correspondances oppose, sur l'axe 1, la Creuse aux deux autres départements. De même, le calcul du X2 montre que les différences observées dans la répartition des caractères ne sont pas plus significatives.
L'examen de la figure montre que la base détermine l'axe 1 et la forme de la panse l'axe 2.
Les modalités se répartissent sans groupement apparent, sauf prés de l'origine des axes ou se concentrent celles qui sont communes aux trois départements. Seul un élément mérite une mention particulière : l'opposition entre base étirée en Creuse et pied en couronne bas ou base annulaire en Corrèze et en Haute-Vienne.
Les bouteilles, plus encore que les jattes, ne différent pas de façon significative d'un département a l'autre.
Sur l'axe 1, l'analyse factorielle des correspondances oppose très nettement la Creuse aux deux autres départements. Cette forte opposition se trouve confirmée par le calcul du X2 (81,6 alors que, pour 24 degrés de liberté et p=0.005, la table donne 45.56). Sur l'axe 2, quelques formes communes atténuent la différence entre Corrèze et Haute-Vienne.
La Creuse se distingue essentiellement par la présence de parois évasées. A noter toutefois, une ressemblance entre les séries G 113 et G 114 qui ne différent que par les proportions entre le haut et le bas de la panse et entre le diamètre de l'ouverture et celui de l'emprise au sol. Par contre, le type G 111 d et les vases des séries G 151 et G 152 sont caractéristiques de la Creuse. Il est même possible de localiser les deux premières formes dans le centre de la Creuse et la troisième en Combraille.
La Corrèze comprend surtout des formes hémisphériques (types G 111 a, b, c) et, tout comme la Haute-Vienne, des parois verticales ou légèrement rentrantes (série G 163 ou G 142). La série G 142 diffère de la série G 163 en raison de l'emprise au sol des pieds.
Les séries G 114, et surtout G 112 se composent de formes datées du Ier siècle et, par conséquent, plus fréquentes en Haute-Vienne parce que les gisements de cette époque y sont plus nombreux.
Sur l'axe 1, l'analyse factorielle des correspondances oppose la Corrèze et la Creuse, la Haute-Vienne se plaçant entre les deux. Malgré la présence d'un important groupe de points au centre du graphique, a proximité de l'origine des axes, le calcul du X2 montre que les caractères des vases tripodes différent de façon très significative entre les départements. (X2 = 187,1. Pour 82 degrés de liberté et p=0,005, la valeur limite est 118,8)
A l'axe 1 se rapportent à la fois la direction des parois et le décor : parois verticales ou rentrantes en Corrèze, évasée en Creuse ; vases ornés en Corrèze, non décorés en Creuse. Dans les deux cas, la Haute-Vienne se situe dans la moyenne. Ainsi, dans ce département, les céramiques ornées représentent 53% alors qu'en Corrèze elles atteignent 74% et seulement 10% en Creuse (sur un total de 108).
La couleur de surface semble déterminer l'axe 2. les teintes brique et noire, en Haute-Vienne, s'opposent au jaune, orangé et, plus faiblement, au gris.
La partie inférieure de la panse comporte généralement des parois convexes et les quelques fonds plats ne se rencontrent qu'en Creuse et en Haute-Vienne. La forme des parois du haut de la panse n'est pas significative à l’exception des rares parois concaves associées aux fonds plats.
Par contre, les différences qui marquent la direction des parois du haut de la panse, verticales et parfois rentrantes en Corrèze, évasées en Creuse, rentrantes, plus rarement évasées ou verticales en Haute-Vienne, sont plus significatives. A noter que les formes hémisphériques, plus fréquentes en Corrèze mais présentes partout, sont décomptées séparément.
Le bord triangulaire, le plus commun, se rencontre exactement dans les mémes proportions d'un département a l'autre. Les autres types de bord, moins fréquents, se répartissent à peu prés normalement à l’exception des bords roulés et horizontaux externes plus courants en Corrèze et du bord rentrant qui n'existe qu'en Creuse.