Les données recueillies au cours des dix années
de fouilles fournissent d'importantes informations sur le
village gaulois de Saint-Gence. Elles ne portent toutefois que sur une
petite partie du site, soit environ un trentième de sa
superficie estimée à une quinzaine
d'hectares.
La chronologie.
Les principales phases d'occupation du site de Saint-Gence au cours des deux derniers siècles avant notre ère.
Les différentes découvertes faites sur le site
permettent de dater les premières occupations de la fin du
IIIe s. av. J.-C. Le IIe
siècle marque une importante période d'activité caractérisée par
des productions artisanales et de nombreuses importations d'amphores vinaires italiques.
Les deux phases d'abandon du site se traduisent
surtout par la mise hors service des puits et l'arrêt
des importations d'amphores.
La première phase d'abandon du village, quelques
années avant la guerre des Gaules (vers 70 av. J.-C.),
correspond, dans le monde celtique, à la fin de la
période où l'habitat ouvert est
délaissé au profit de villes
fortifiées dont l'une d'elles devient le
chef-lieu de la cité. Il est par conséquent
possible d'envisager que les habitants de Saint-Gence aient
rejoint un oppidum, probablement celui de
Villejoubert, le plus proche
et le plus apte, en raison de sa taille, à accueillir une
population importante. Ce phénomène a
été observé ailleurs, par exemple
à Levroux (Indre).
L'abandon définitif du village, qui se situe
autour du changement d'ère, fait suite
à la réorganisation des territoires de la Gaule
par Auguste et Agrippa : création de
provinces, choix d'un chef-lieu indépendant pour chaque
cité… C'est ainsi qu'Augustoritum,
mot formé à partir du nom d'Auguste et du mot rito (gué en gaulois) a
été fondé au franchissement de la Vienne, sur un espace vierge de toute construction. La date de
création de la ville correspondant à celle de l'abandon de Saint-Gence, l'hypothèse
d'une migration des habitants de ce village vers la ville nouvelle peut être avancée.
Les chefs-lieux de cité.
Le rapport entre Saint-Gence et
les chefs-lieux successifs de la cité des
Lémovices, avant et après la Conquête,
conduit à s'interroger sur son statut.
La présence d'un artisanat varié, et
surtout la découverte de nombreux moules à
alvéoles, suggèrent que la frappe de monnaies y
était pratiquée, même si ces moules
pouvaient aussi servir à la fabrication des petits lingots
utilisés en bijouterie. Il est alors envisageable de
considérer Saint-Gence comme un centre important de la
cité des Lémovices, peut-être le
chef-lieu, même si, en Gaule, la frappe de monnaies pouvait
s'effectuer en d'autres lieux.
Déplacements successifs
des populations de Saint-Gence.
Les importations massives d'amphores.
Carte de répartition des amphores italiques en Gaule.
Le nombre considérable d'amphores exhumées classe Saint-Gence parmi les sites gaulois les plus
riches. En outre, plus d'un quart serait
gréco-italique, ce qui
est exceptionnel. Leur abondance, dans une agglomération qui n'est pas au carrefour
de grandes voies de communication, s'explique difficilement
étant donné le coût très élevé des importations de vin. Comment les
habitants d'une bourgade, somme toute modeste, pouvaient-ils s'offrir un tel luxe ?
Seule la détention d'un produit de valeur permettait de
faire face à une telle dépense. Les tonnes
d'or extraites des mines du Limousin par les Gaulois
ne semblent pas avoir été utilisées sur
place : très peu de bijoux en or ont été découverts dans les tombes, ni
même fortuitement, et les monnaies lémovices
étaient, pour l'essentiel, en argent. Une partie
de l'or extrait en Limousin aurait-il servi à
acheter le vin consommé lors des banquets ?
Fragment d'un lingot d'or.
(Cliché P. Ernaux/INRAP)